Depuis le 5 avril 2019, la 5G a officiellement été déployée pour la première fois dans un pays, la Corée du Sud. Elle devrait arriver en Europe progressivement à partir de l’année prochaine. Cette cinquième génération de communications mobiles est présentée comme une génération de rupture dans la mesure où celle-ci ne s’intéresse plus uniquement au monde des opérateurs mobiles, mais ouvre de nouvelles perspectives en permettant notamment l’interconnectivité d’applications ainsi que des usages extrêmement diversifiés, unifiés au sein d’une même technologie. À quel point cette technologie va-t-elle changer le paysage des télécommunications actuelles ? Quelles sont les nouvelles applications que cette nouvelle architecture va rendre possible ?

1. Un changement de paradigme

De par sa capacité à générer des débits de télécommunication mobile de plusieurs gigabits de données par seconde – jusqu’à 100 fois plus rapide que la 4G (80Mbits/s) -, associée à une latence divisée par 5 et à un nombre d’objets potentiellement connectés multiplié par 10 sur le même réseau, la 5G est susceptible de répondre à la demande croissante de données qui se développe dans nos sociétés et nos économies hyperconnectées. En effet, dufait de l’augmentation de la capacité du réseau, de nouveaux usages seront possibles ; des usages qui pour la plupart ne sont pas réalisables avec le réseau 4G actuel (en raison de la limitation des quantités de données échangeables).

À l’heure actuelle, certaines estimations font, en effet, état d’un trafic internet mobile 30 fois supérieur à celui de 2010. Cette hausse s’explique notamment par un volume plus élevé de vidéos de haute qualité, une utilisation grandissante du cloud computing, ainsi qu’au nombre toujours plus important d’appareils connectés via Internet.

Face à ces besoins grandissants, les promesses techniques de la 5G laissent deviner l’émergence d’un marché riche en applications et débouchés, et ouvrent la voie à de tous nouveaux usages numériques. Selon l’ANFR (Agence Nationale des FRéquences), de nombreux secteurs sont directement concernés, que ce soit la santé, la ville intelligente, l’industrie, les transports ou encore le divertissement.

Ainsi, la 5G vise à intégrer un nombre de cas d’usages inédit en favorisant, par exemple, l’intégration et l’interopérabilité d’objets communicants (IoT ou Internet des Objets) et des smartgrids (réseaux électriques intelligents), au sein d’un environnement domotisé ou d’une « ville intelligente » (Smart City). Cette technologie clé[1] pourrait également contribuer au datamining(exploration de données), la gestion du big data et du tout-internet[2]. Les promesses sont donc phénoménales mais les défis à relever le sont tout autant.

2. Enjeux sur le réseau

2.2 Quels types de fréquences ?

Pour être opérationnelle, la 5G nécessite de recourir à de nouvelles fréquences, en particulier dans les bandes hautes du spectre radioélectrique, afin d’accroître la capacité et les débits des réseaux mobiles. Avec l’utilisation d’antennes intelligentes et de réseaux de petites antennes, les forts besoins en connectivité du grand public et des entreprises devraient pouvoir être couverts. Aussi, l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes (ARCEP) travaille à la libération de ces bandes, notamment par la migration de certains usages sur d’autres bandes.

Il est ainsi prévu de dégager des fréquences situées pratiquement sur tout le long du spectre radioélectrique au profit de la 5G. Cependant, il est à noter que la capacité d’une bande de fréquence, donc les débits maximaux théoriques, dépend directement de la largeur de cette bande. Plus la fréquence de la bande est élevée, plus la capacité de cette dernière est élevée. L’ANFR classe donc ces fréquences en deux grandes catégories :

  • Les fréquences dites « basses » (700 MHz-3 GHz) qui ont une large couverture géographique et une bonne qualité de propagation à l’intérieur des bâtiments ;

  • Les fréquences dites « hautes » (3,5 GHz et au-delà), qui ont une forte capacité (débit), mais une plus faible couverture géographique et une propagation limitée à l’intérieur des bâtiments.

Afin de maximiser la couverture réseau, il sera donc nécessaire d’utiliser à la fois de nouvelles fréquences dans la bande du spectre radioélectrique (fréquences hautes, permettant d’apporter des capacités accrues en termes de vitesse de téléchargement), mais aussi celles déjà attribuées et utilisées à l’heure actuelle pour faire passer des données en 2G, 3G et 4G (fréquences basses, appropriées pour la pénétration des ondes dans les bâtiments) (cf. Figure 1 ci-dessous).

Pour l’heure, deux nouveaux blocs de fréquences seront utilisés pour la 5G : celui de la bande 3,5 GHz (3,4 – 3,8 GHz) et celui, plus haut, de la bande 26 GHz (24,25 – 27,5 GHz) appartenant à la catégorie des ondes millimétriques.

Figure 1 : Représentation des bandes de fréquences 5G identifiées. Les bandes dites « basses », déjà allouées pour la 2G / 3G / 4G, pourraient être réutilisées pour la 5G. La bande 3,5 GHz est la première bande 5G offrant un compromis couverture/capacité. La bande 26 GHz, « pionnière 5G », sera principalement utilisée pour des « hot spots ». D’autres bandes hautes fréquences seront à l’étude lors de la Conférence Mondiale des Radiocommunications en 2019. Source : ANFR

Les ondes millimétriques sont constituées d’ondes dont les fréquences vont de 24 à 86 GHz. Jusqu’à présent ces ondes n’étaient pas vraiment exploitées, car le signal était jugé trop instable. En effet, plus les fréquences sont élevées et moins la portée du signal est importante, et de plus, les ondes millimétriques ont la réputation de ne pas (bien) traverser les murs, d’avoir une portée plus courte (elles seraient donc intéressantes pour couvrir des superficies réduites, mais fortement fréquentées), ou encore de mal supporter la pluie.

Cependant, certains travaux récents indiquent que certaines de ces fréquences ne souffrent pas d’atténuation et peuvent se comporter d’une manière presque similaire à celles des réseaux actuels[3]. En décembre 2015, la conférence mondiale des radiocommunications a ainsi autorisé la planification et l’utilisation de ces longueurs d’onde pour le mobile d’ici 2019-2020.

En France, bien que les premières attributions de bandes soient prévues pour l’automne 2019, certains opérateurs mènent actuellement des expérimentations dans plusieurs villes françaises. Ces différentes expérimentations ont pour but de tester et, éventuellement, de valider certains objectifs tels que l’accès dynamique au spectre, les transmissions multiservices, ou encore l’émission et la réception simultanée dans une même bande de fréquences. Ces expérimentations doivent également servir à évaluer, à grande échelle, les cas d’usages verticaux tels que la ville intelligente, la réalité virtuelle, la télémédecine ou l’industrie du futur.

Les résultats de ces différentes expérimentations sont très attendus dans la mesure où le déploiement de la 5G est un véritable enjeu stratégique pour l’industrie française, la compétitivité de notre économie, ou encore la rénovation des services publics.

2.2 Les enjeux économiques et géopolitiques

La transformation relative à la 5G aura un impact dans tous les secteurs d’activités et amènera de nombreuses opportunités pour la transformation des produits et des services existants autant que le développement de nouvelles offres et notamment dans les cas des objets connectés.

Ses retombées industrielles sont donc potentiellement gigantesques. On trouvera la 5G dans des secteurs comme l’énergie, la chirurgie à distance ou encore la voiture autonome. Mais aussi dans des installations militaires, les hôpitaux, les ports, les usines, etc. Autant dire que son rôle sera structurant dans l’économie ; et hautement stratégique. Selon une étude publiée par le cabinet anglais IHS Markit, la 5G devrait permettre de créer 22 millions de nouveaux emplois dans le monde d’ici 2035 (dont 400 000 emplois en France). La même enquête évalue à 11 300 milliards d’euros les bénéfices générés par la 5G d’un point de vue global d’ici 2035.

Parmi les pays qui bénéficieront le plus de cette technologie, on retrouve la Chine dont les retombées économiques pourraient avoisiner les 927 milliards d’euros, puis les États-Unis, avec 677 milliards d’euros. La France quant à elle devrait générer environ 85 milliards de revenus. Devant ce potentiel, on comprend donc mieux pourquoi les équipementiers et les fabricants de composants électroniques, qu’ils soient américains, asiatiques ou européens, se sont lancés dans la course.

Par ailleurs, pour se positionner sur ce marché, les opérateurs télécoms devront acheter de nouvelles fréquences auprès des autorités compétentes des différents pays. En Allemagne, les enchères ont rapporté près de 7 milliards d’euros à l’Etat. Les attentes du gouvernement ont été comblés puisque celui-ci avait initialement estimé à 3 milliards d’euros le montant du revenu de ces ventes. Le « succès » de cette vente aux enchères a néanmoins rendu les opérateurs perplexes, et ceux-ci estiment que les sommes importantes mises dans l’achat du spectre risquent de pénaliser leur capacité à investir dans la construction des réseaux. En France, la vente de spectre devrait avoir lieu entre l’automne 2019 et le début de l’année 2020, pour un lancement des premières offres commerciales 5G prévu en 2020. Si les modalités de la vente ne sont pas encore connues dans le détail, un prix de réserve devrait être fixé par le gouvernement et dévoilé en juillet. Reste à savoir si les nouveaux usages inhérents au déploiement de la 5G permettront d’amortir ces investissements, et en combien de temps.

2.3 Course planétaire

De nombreux pays à travers le monde se sont lancés dans la course et la Corée du Sud peut déjà mesurer son avance, en réalisant, à l’occasion des Jeux Olympiques d’hiver de Pyeongchang de 2018, des tests 5G grandeur nature qui ont permis aux spectateurs de vivre les premières expériences 5G immersives au monde.

En Europe, le plan d’action de l’UE prévoit ainsi qu’au moins une grande ville de chaque État membre devra être couverte par la 5G d’ici 2020. Ce même plan d’action prévoit d’amener la 5G sur les principaux axes de transports d’ici 2025 (les autoroutes et les lignes TGV au minimum, mais aussi, possiblement, tout ou partie des voies secondaires, ou dans les RER).

Aux États-Unis, le géant des télécommunications Verizon a lancé son premier réseau commercial en 5G au mois d’Octobre dernier dans plusieurs villes du pays.

Le Japon, quant à lui, souhaite déployer la 5G à Tokyo avant les jeux Olympiques de 2020, afin de garantir des échanges fluides de données en dépit du nombre important de visiteurs attendus dans la capitale nippone.

En Chine, des équipementiers et opérateurs locaux tels que Huawei, ZTE ou China Mobile se sont alliés afin de réaliser des tests IODT (Interoperability and developpement testing), dans l’optique de la mise en marche d’un système commercial 5G.

La course planétaire à la 5G est donc bel et bien lancée. En 2024, il pourrait y avoir 1,9 milliard d’abonnés à la 5G selon le rapport “Mobility Report” récemment publié par Ericsson[4]. Ce même rapport estime que 45 % de la population mondiale devrait être couverte par un réseau 5G d’ici la fin d’année 2024 et que les réseaux 5G pourraient représenter 35 % du trafic global de données mobiles.

En explosion continue, le trafic total de données mobiles devrait atteindre 131 exaoctets par mois d’ici fin 2024, dont 35 % transitant par les réseaux 5G. À la fin de l’année 2024, le monde pourrait compter 4,1 milliards de connexions mobiles d’Internet des objets, contre 1 milliard aujourd’hui.

3. Conclusion

En soutenant la compétitivité et de nouveaux modèles économiques, il est fort probable que la 5G stimulera la croissance économique dans tous les secteurs. Cependant, afin de tenir ses engagements, la 5G devra être flexible et suffisamment versatile pour assurer des services avec des caractéristiques différentes ; par exemple, assurer une mobilité à très haut débit et une consommation énergétique moindre pour un grand de nombre d’objets communicants, ou bien assurer des communications résolument fiables et une très faible latence pour des robots industriels.

Au sein de cette révolution technologique, les responsables politiques et les organes régulateurs doivent donc soutenir et faciliter le leadership de l’UE, mais ils devront pour cela relever plusieurs défis. D’autant plus lorsque les objectifs fixés par l’Union Européenne d’une couverture commerciale dans au moins une grande ville française en 2020, et des principales villes et axes de transport en 2025, semblent ambitieux au vu des avancées actuelles. Ainsi, l’attribution des fréquences, initialement prévue en milieu d’année, ne devrait finalement se faire qu’au début de l’année prochaine. De surcroît, certaines estimations pointent du doigt les différences d’investissements nécessaires à travers le monde. En Europe, par exemple, il serait deux fois plus élevé qu’en Amérique.

Mais, quel qu’en soit le coût, les autorités et opérateurs européens ne peuvent se permettre de manquer le virage de la révolution 5G au risque de mettre en jeu la compétitivité des nations européennes à l’échelle mondiale. Les pays, comme la Corée, ont déjà pris une longueur d’avance et cherche donc à mettre toutes les chances de leur côté pour élever leur place dans le commerce mondial (notamment par l’accroissement et l’automatisation de leurs infrastructures industrielles).

Le véritable défi pour l’Europe dans le monde à l’heure actuelle est surtout d’offrir un véritable marché européen de la 5G si elle souhaite maintenir son positionnement stratégique sur le marché numérique mondial.

Contacts : Pascal Bally · Vincent Weber

[1] Une « technologie clé » est une technologie dite « vitalement nécessaire » pour une société humaine, un État, ou un secteur industriel. En France, le Ministère de l’Économie publie régulièrement des études prospectives sur les technologies clés. Dans son rapport 2016, la technologie 5G se place en 6ème position sur une liste de 46.

[2] Le tout-internet ou Internet of Everything est une expression évoquant un monde où tous les ordinateurs et périphériques pourraient communiquer entre eux.

[3] Millimeter Wave Mobile Communications for 5G Cellular

[4] Ericsson Mobility Report

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