Contrôles CIR/CII : mythes et réalités

15 février 2017

La phobie du contrôle, que l’on peut observer parfois, est-elle justifiée ?

Nos prospects nous déclarent régulièrement : « Si je déclare du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) et/ou du Crédit d’Impôt Innovation (CII), cela va déclencher automatiquement un contrôle fiscal généralisé ! ». « Si je me fais contrôler sur le CIR / CII, ils vont exiger que je rembourse tout, comme j’ai entendu que c’est arrivé à tel ou tel, la société n’aura pas la trésorerie pour rembourser, et va mettre la clé sous la porte ! ».

Ces préjugés peuvent avoir la vie dure. Pourtant, l’administration fiscale est infiniment plus raisonnable et pragmatique que beaucoup de dirigeants ne se l’imaginent.

Il faut d’abord noter qu’il n’y a pas une administration fiscale, mais des administrations fiscales. Les pôles de contrôle sont départementalisés : les méthodes de contrôles varient, non seulement selon la géographie, mais aussi selon les personnes.

Au sein de l’administration, la grande majorité des agents sont professionnels, à l’écoute, et compréhensifs à l’égard des petites erreurs, tant que la bonne foi est de mise.
Une charte de déontologie y a été mise en place depuis quelques années, qui vise à rétablir un dialogue constructif, et qui stipule en substance qu’à la transparence et à la spontanéité des démarches répondront l’écoute constructive et l’adaptation aux situations particulières. De plus, l’administration fonctionne encore beaucoup « en silos », et contrairement à une idée très répandue, un contrôle CIR/CII n’entraîne pas nécessairement une vérification générale de comptabilité.

Déclarer du CIR/CII entraînera bien sûr une possibilité de contrôles du CIR/CII plus ou moins poussés, mais rien de plus a priori. Et ces contrôles peuvent très bien se dérouler, pour peu qu’ils soient bien préparés. Les cas de redressement total sont rares, et ne sont visibles que parce qu’ils sont montés en épingle. En pratique, être honnête sur la réalité des travaux et s’entourer d’un cabinet de conseil sérieux permet, sinon de réduire à zéro le risque de redressement, du moins de ramener ce risque à une faible fraction du montant total déclaré.

Comment se passe un contrôle CIR ?

Le CIR est un processus déclaratif. Tout ce qu’exige l’administration a priori est la soumission du formulaire 2069A-SD en même temps que le dépôt des comptes de l’exercice. Ce formulaire est peu détaillé : seules y sont listées les grandes masses (masse salariale affectée à la recherche et/ou à l’innovation, frais de fonctionnement, dépenses de sous-traitance,…) et ne permet pas à l’administration de valider le calcul. A partir de cette soumission, plusieurs scénarios sont possibles :

  1. L’administration est satisfaite de la déclaration et valide le paiement, ou l’imputation sur l’Impôt sur les Sociétés (IS) du CIR/CII. Cette validation n’exclut nullement un contrôle complet a posteriori dans les trois années qui suivront ;
  2. L’administration (c’est le plus courant actuellement) procède à un contrôle limité, dit sur pièces, c’est-à-dire qu’elle demande à l’entreprise, sous 30 ou 60 jours, de produire des éléments qualitatifs (description des projets de recherche et/ou d’innovation) et quantitatifs (détail des salaires des personnes affectées aux projets et des temps passés). Il est, à ce stade, largement préférable d’avoir déjà réalisé un dossier scientifique et technique complet, excédant la demande de description succincte, et qui fera nécessairement une première bonne impression. Deux possibilités peuvent ensuite se présenter :

a. L’administration s’en tient là et procède au paiement où à l’imputation des sommes demandées, ce qui ici encore ne préjuge pas d’un contrôle ultérieur plus poussé ;

b. L’administration, qui est dans la grande majorité des cas non compétente en matière technique, mandate un expert du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche pour un examen poussé du dossier scientifique et technique. Selon les cas, cela peut prendre la forme d’échanges uniquement écrits, ou, plus probablement, d’une visite de l’expert dans les locaux de l’entreprise et d’échanges oraux avec le personnel de recherche, afin de valider la réalité des travaux décrits.

Le rapport technique, clé de voute d’un contrôle passé avec succès

Les éléments quantitatifs contrôlés font en fait l’objet de peu de débats, ou de débats mineurs :

  1. Les salaires des personnels affectés à la recherche et/ou à l’innovation sont normalement justifiés par les déclarations DADS annuelles. A noter que depuis quelques années, le diplôme d’ingénieur ou de docteur n’est plus nécessaire : le constat que le salarié possède à la fois la compétence (au travers de son CV) et la réalité de la fonction d’ingénieur (au travers de ses travaux) suffit. A moins de déclarer des emplois fictifs, ce qui est répréhensible pénalement et peut entraîner 40% de pénalités sur le contrôle fiscal, le débat ne pourra donc porter que sur les charges fiscales (versement transport, formation, …) à déduire de l’assiette du CIR, certaines ambiguïtés pouvant être source de désaccord. Les montants de ces charges sont généralement très faibles comparés aux enjeux globaux ;
  2. Les temps des personnels affectés aux projets sont, dans l’immense majorité des cas, basés sur des feuilles de temps formalisées. Dans l’analyse et l’optimisation de ces feuilles, il conviendra bien sûr de veiller à ce que les temps déclarés soient en cohérence avec les systèmes de gestion des temps de l’entreprise, si elle en possède un.

On le voit donc, la valeur ajoutée d’un cabinet de conseil CIR/CII ne se situe pas tant dans les éléments comptables, que dans la réflexion en amont de ce calcul : quels sont les projets et les tâches éligibles ? Seul un examen approfondi, proactif d’une année sur l’autre, des aspects scientifiques et techniques permettra de répondre à cette question épineuse ! Il s’agit en effet d’agir sur deux actions complémentaires essentielles :

  1. L’optimisation: Avons-nous bien pris en compte l’ensemble des projets éligibles cette année ? Ainsi que l’intégralité des tâches éligibles de ce projet, selon les définitions en vigueur ?
  2. La sécurisation : Sommes-nous certains que toutes ces tâches et projets sont éligibles au CIR et/ou au CII, selon les définitions fiscales en vigueur ? Sommes-nous capables de les documenter techniquement, dans le formalisme toujours plus exigeant imposé par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, et donc de convaincre un expert de l’éligibilité de ces travaux et de passer un contrôle avec succès ?

Répondre de manière pertinente à ces deux problématiques est l’unique fonction du rapport scientifique et technique. Sa production exige trois compétences essentielles :

  1. Une compréhension poussée des enjeux scientifiques et techniques de l’entreprise ;
  2. D’excellentes capacités rédactionnelles, d’analyse et de synthèse ;
  3. Une connaissance approfondie, régulièrement mise à jour, des subtilités du formalisme attendu par l’administration et le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, qui est en évolution constant, et toujours dans le sens de plus rigueur.

Il est très difficile pour une entreprise de disposer de ces compétences en interne, même si certaines imaginent le contraire. Si cela peut tout à fait s’avérer exact pour les deux premiers points listés plus haut, il n’en va pas de même du troisième, à moins d’engager à plein temps un consultant dédié au financement de l’innovation, ce qui a, sauf exception, peu de sens économique.

De plus, même pour les deux premiers points ci-dessus, il convient de noter qu’un directeur technique, par exemple, a généralement des tâches plus critiques à accomplir, pour le succès de l’entreprise, que la rédaction de rapports CIR/CII.

Des contrôles de plus en plus techniques

Pour illustrer ce besoin nécessaire de l’assistance d’un cabinet professionnel, il suffit d’observer deux grandes tendances de fond observées ces deux dernières années :

  1. Le nombre d’experts engagés sur les contrôles CIR est en forte augmentation, et donc le motif principal de redressements lors des contrôles est principalement l’éligibilité des projets, qui a été pointée du doigt dans 62,86 % des contrôles récents1;
  2. Pour le CIR, l’accent est, bien plus que par le passé, mis sur l’état de l’art et la rupture avec cet état de l’art à chaque année du projet: il ne suffit pas que le projet concerné ait été à une époque validé comme comportant de la recherche, pour que son développement pluriannuel soit automatiquement validé : Encore faut-il maintenant systématiquement justifier chaque année d’une nouvelle rupture avec l’état de l’art antérieur, qui n’est plus celui qui existait au démarrage du projet, mais qui s’est enrichi depuis avec les travaux de recherche passés de l’entreprise.

On observe donc que la relation entre les entreprises et l’administration se professionnalise : d’un côté, elle s’apaise, car elle se construit au travers d’une bonne volonté réciproque ; mais de l’autre, elle s’intensifie, car les contrôles sont en augmentation, tout à la fois en fréquence et en profondeur. A priori, un contrôle n’est pas hostile et est mené avec neutralité. Il est possible de se tromper sur l’instant et de revenir ensuite, par oral et ou/par écrit, pour apporter plus de précisions sur un point jugé incomplet. Mais in fine, seule l’éligibilité des travaux de recherche et/ou d’innovation réellement menés fera foi, et décidera ou non d’un redressement.

Cette professionnalisation des relations implique également que le durcissement des contrôles n’est pas à sens unique : une entreprise qui a déclaré son CIR et CII avec rigueur, dans les règles de l’art, est en droit d’attendre qu’ils lui soient payés dans un délai raisonnable, car il s’agit d’un dû qui contribue à la prospérité de l’économie française, et dont l’Etat perçoit également des retombées considérables, en termes d’emploi, de charges sociales, et d’augmentation potentielle du Produit Intérieur Brut (PIB) et donc de TVA.

Les entreprises sont fondées, avec l’aide éventuelle de leur cabinet de conseil, dans les cas d’allongement déraisonnables des délais de paiement, à demander, et redemander si nécessaire, le paiement l’Etat.

Par ailleurs, en cas de désaccord sur la réalité de l’affectation à la recherche ou à l’innovation des dépenses prises en compte ; la mise en place du comité consultatif du crédit d’impôt2 permet de disposer d’une instance de conciliation intervenant avant la fin d’un contrôle fiscal. Bien que la création de cette instance de conciliation visent donc, semble-t-il, à améliorer les relations entre l’administration fiscale et les entreprises, il est important de noter qu’étant donné que le comité consultatif ne peut émettre qu’un avis, il reste difficile de savoir dans quelle mesure cet avis sera pris en compte par les autorités fiscales et notamment dans le cas où ce comité émettrait un avis favorable à l’entreprise

Enfin, pour les cas, heureusement rares, où il y a divergence d’interprétation des textes fiscaux et où la discussion amiable n’aboutit pas, les entreprises peuvent et même doivent, toujours avec l’aide de leur cabinet spécialisé, effectuer un recours au Tribunal Administratif, lequel est susceptible de leur donne raison plus souvent qu’on ne le pense.

Ces actions, exceptionnelles par leur rareté, nécessitent l’intervention de fiscalistes spécialisés.

Conclusion

Il est tout à fait possible, pour une entreprise, d’optimiser et de sécuriser son CIR et/ou CII de manière sereine, malgré l’intensification quantitative et qualitative des contrôles, qui sont positifs, d’un certain point de vue, car ils permettent de créer une plus grande relation de confiance entre l’état et les entreprises éligibles.

Pour ce faire, elle ne peut pas faire l’économie d’un cabinet de conseil spécialisé, de la même manière qu’elle ne peut pas faire l’économie d’un avocat pour ses litiges judiciaires.

Dans le choix d’un cabinet, il convient de veiller tout particulièrement aux points suivants :

  1. Le cabinet dispose-t-il d’une équipe de consultants en financement de l’innovation, qui sont des docteurs et/ou des ingénieurs capables de produire des rapports CIR/CII rigoureux et respectant le formalisme en vigueur ?
  2. Le cabinet est-il proactif dans l’optimisation du CIR/CII de son client, et est-il capable d’optimiser de lui-même les informations fournies par le client ?
  3. Le cabinet dispose-t-il des ressources suffisantes pour assister l’entreprise en cas de contrôle, relancer les paiements de l’administration, et, le cas échéant, effectuer et suivre une procédure au tribunal administratif ?
  4. Le cabinet dispose-t-il d’une santé financière suffisante, et notamment d’une bonne trésorerie, pour faire face, dans le cadre d’un modèle économique d’honoraires uniquement au succès, à l’allongement des délais de paiement ?

Par analogie, on peut ainsi comparer la nécessité de faire appel à un cabinet de conseil spécialisé dans le CIR/CII à celle d’utiliser les services d’un avocat spécialisé lors d’un litige juridique. Une entreprise est toujours parfaitement au fait des tenants et aboutissants contextuels des litiges éventuels qui la concernent, mais elle a besoin de la technicité d’un avocat pour plaider sa cause devant un tribunal. De toute évidence, il est en de même pour les projets de recherche et d’innovation qui ont besoin d’un conseil spécialisé pour être défendus devant des experts scientifiques mandatés par l’administration.

Contacts : Vincent Weber · Pascal Bally

[1] Voir http://business.lesechos.fr/directions-financieres/fiscalite/controles-fiscaux/0211523228157-en-se-professionnalisant-les-controles-cir-s-apaisent-302552.php
[2] Voir notre article : https://www.inneance.fr/poids-grandissant-comite-consultatif-cir-arbitrer-entre-ladministration-entreprises/

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